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Ballades parisiennes

19 février 2008

9 février

Cristina m’attend à Bastille. Elle est à Paris depuis quelques jours, pour étudier. Elle ne connaît pas la ville.


En voyage, les villes apparaissent sous un angle partiel, fragmenté. Les touristes ne voient souvent que le décor qui les accompagne d’une page de leur guide touristique à l’autre. Le mystère se trouve toujours un coin de rue plus loin, les rues et les passants ne servent qu’a tenir la scène qu’on ne peut capter en quelques jours. Pourtant, la vie est présente, toujours un peu plus loin.

J’avais déjà tenté l’expérience de faire visiter Paris. De me mettre dans leurs yeux, de ressentir l’émotion de la découverte de la capitale. C’était une fille de Shangaï. J’avais tenté de composer avec ses envies, sa vision de la France. Clichés.

Cette fois-ci, j’ai pris les choses en main, direction le XX°, plein est.

Bastille respire doucement sous le soleil d’hiver. Je reste fasciné quelques secondes par tous les jeunes qui sortent des bouches de métro, se répandent dans toutes les directions. On oublie souvent que Paris est une ville comme un millefeuille, les gens se partagent l’espace et le temps de façon très parallèle ; les lycéens et les cadres ne se croisent pas en général.

Sauf le samedi, evidemment.

Nous nous enfonçons vite dans les rues du XI°, jouant à cache-cache avec la lumière du jour. quelquepart entre le boulevard Richard Lenoir et la rue de la Roquette, nous sommes à la recherche de la rue du chemin vert. Tourner ensuite à droite, c’est tout droit jusqu’à Ménilmontant.

Je m’arrête pour photographier une façade recouverte de peinture jaune. Fasciné par les façades aveugles, immenses, montrant le flanc impudique d’un mur mitoyen mis à nu. Je pense à ces publicités peintes du siècle dernier, qui sont parfois exhumées à la faveur d’une démolition. Ici, ca n’est visiblement pas/plus le cas. Derrière le mur, j’imagine de petits appartements sombres, emplis de personnes âgées qui font leurs petits gestes gris. Je me laisse trop emporter par l’endroit : nous arrivons justement au père Lachaise.

Cristina me dit en riant que c’est la première visite gratuite qu’elle fait à Paris. A l’intérieur, le calme des vieilles tombes sous les platanes centenaires.
Les gens se pressent autour d’un panneau de fer montrant le plan du cimetière. A gauche, sur une colonne, le nom des morts illustres et leurs emplacement. Je décide de ne pas regarder. Pourtant, Morisson a le N°58. Le sait-il ?

Conseils pour savoir apprécier une ballade au cimetière :

-         ne pas chercher de tombe de gens célèbres (uniquement valide au père Lachaise)

-         Toujours emprunter les allées sans aucun visiteur ainsi que les allées sombres, humides et oubliées.

-         Longer le grand mur, chercher les limites de cette muqueuse entre la vie et la mort.

-         Lire si possible quelques inscriptions sur des tombes anonymes, remporter un nom avec soi.

-         En profiter pour raconter à ses compagnons ses dispositions testamentaires concernant sa dépouille (on y chappe pas).

-         Chercher l’insolite, l’exceptionnel, le détail qui frime et qui tue.

-         Aimer toucher la mousse grasse qui pousse partout.

Paris à transformé son cimetière en parc. Les enfants courent, le ballon n’est pas loin. Finalement, il ne doit pas y avoir grand monde qui vient ici pour faire des trucs de cimetières. Au mieux, ils viennent jeter un œil. Je passe devant la tombe de Ticky Olgado. Enfin, je côtoie les stars, 6 ans à Paris pour ce résultat.

Le mur nord serpente le long du dénivelé de la colline. On le suit depuis longtemps, je cherche la sortie. Cristina se demande ce que ressentent les gens qui vivent juste de l’autre coté de la rue, avec cette vue. Je lui assure qu’ils doivent jouir de cet avantage inérant à l’endroit.

Soudain, je sens un besoin pressant m’enfuir d’ici. La pensée est arrivée, fulgurante : Que va t’elle penser ? Elle arrive à peine, me rencontre et je l’emmène visiter un cimetière pour un premier rendez-vous ! Vite de l’air, de la liberté, de la vie !

Nous sortons. Montée express le long du XX°, les rues escaladent le nord le long de Ménilmontant. Au fond d’une trouée, la petite ceinture apparaît. Je ne comprends toujours pas pourquoi personne ne la réhabilite.

La voie de train serpente dans le même sens que nous, je la salue comme à mon habitude, note au passage la petite passerelle de fer blanc qui relie le bouquet d’immeubles à la rue.

Un passant nous raconte que le quartier a beaucoup changé, qu’il était dangereux, il y a 20 ans, de se balader ici. Je pense a des hordes de punks cachés dans les ruelles maintenant remplies d’appartements aux murs bariolés. L’escalade continue.

Au parc de Belleville, le soleil inonde l’univers de son éclat glacé. Il y a ici de petits piliers très pratiques : on escalade un peu et puis on reste là, face à la ville, à fumer. Des couples d’amoureux se partagent les autres piliers. Nous surplombons le parc, la vue plonge vers l’est.  Plus loin, les jeunes dealent.

Je sens mes bras frôler ceux de Cristina. Tout est là, Paris face à moi, le printemps qui souffle légèrement son vent de nouveauté, une fille à mes cotés.

Je prends conscience que c’est ici que tout commence.

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